
Dans la nuit du 16 au 17 mars 1959, Tenzin Gyatso, l’actuel quatorzième dalaï lama se déguisait en soldat et fuyait Lhassa, un fusil sur l’épaule. Accueilli par Nehru en Inde, son exil à Dharamsala se poursuit encore aujourd’hui.
Ce mois de mars 1959 la répression chinoise de l’insurrection tibétaine fît 87 000 morts. Quarante ans plus tard, les commémorations du soulèvement se terminèrent dans un bain de sang et virent l’application de la loi martiale au Tibet pendant un an. Depuis l’invasion chinoise en 1949, 1,2 million de tibétains ont péri. Ce drame a même été qualifié de génocide par la Commission Internationale des Juristes dans son rapport de 1959.
Parallèlement à la terreur imposée par l’occupant, celui-ci déploie une politique implacable de sinisation du territoire. Les tibétains sont désormais en minorité sur leur terre du fait de l’implantation de plus de 7 millions de colons chinois. De plus, les femmes tibétaines sont soumises à un contrôle strict des naissances qui conduit à la stérilisation ou à l’avortement au-delà du premier enfant alors que les familles de colons n’y sont pas soumises. Alcool et drogue font des ravages dans la population autochtone paupérisée et exclue du modèle imposé par Pékin. La culture du « Pays des neiges » est également la cible d’une terrible oppression : la pratique du bouddhisme est très encadré et il est interdit de prier le dalaï-lama. La détention d’une simple photo de celui-ci est passible de prison. La Révolution culturelle maoïste de 1966 a aussi fait des ravages puisque 6 000 temples ou monastères ont été détruits. Il n’en subsiste qu’une centaine pour des raisons touristiques. Les rassemblements en faveur de l’indépendance sont évidemment prohibés et on dénombre 1 000 prisonniers politiques tibétains dont 300 femmes et 40 mineurs. Ceux-ci sont bien souvent torturés durant leur détention pour avoir simplement crié « Tibet libre » ou participé à des manifestations. Sur le plan environnemental, la présence chinoise a eu des effets dévastateurs : la déforestation et l’extraction minérale anarchiques ont déséquilibré un écosystème riche et intact avant 1949. Ce territoire est même utilisé pour enfouir les déchets radioactifs.
Face à cette situation dramatique un exode massif s’est organisé. On peut compter 130000 réfugiés officiels de par le monde (100 000 en Inde et plus d’une centaine en France), mais certains experts avancent le chiffre de 200 000. Cette diaspora est particulièrement importante compte tenu du danger de fuir le Tibet à travers de hautes montagnes et avec des gardes frontières chinois qui n’hésitent pas à tirer sur des cordées épuisées.
Depuis 1949 le dalaï lama mène un combat pacifique de tous les instants qui lui a valu le prix Nobel de la paix en 1989. Malheureusement, même s’il est reçu par tous les grands de ce monde, il ne peut lutter contre la puissance économique du géant chinois. Or, c’est elle qui contraint la communauté internationale à se montrer conciliant avec Pékin. Les tibétains vont encore devoir souffrir avant de ne plus se sentir étranger dans leur propre pays.