Un groupe de mineurs en Sierra Leone
Le commerce mondial du diamant s’élève à 68 milliards de dollars. L’Afrique fournit plus de la moitié de ce marché avec des pierres qui sont considérées comme les plus belles par les experts d’Anvers, la capitale du diamant. Les principaux Etats extracteurs du continent sont l’Afrique du Sud, le Botswana, la Namibie, l’Angola, la République démocratique du Congo, le Congo Brazzaville, la Sierra Léone, le Libéria et la Guinée.
Cette richesse géologique est loin de faire le bonheur de l’ensemble de ces pays. Elle peut même être perçue comme une malédiction par certaines populations. Selon une étude de la Banque mondiale, la grande majorité des 47 guerres civiles qui ont eu lieu sur ce continent entre 1967 et 1999 impliquait le contrôle de ressources minérales. Depuis l’indépendance des Etats africains, les zones diamantifères, jadis administrées par les colons, ont fait l’objet de luttes acharnées lors des multiples conflits ethniques et politiques qui ont eu lieu. Les groupes rebelles cherchent à s’assurer le contrôle des mines de pierres précieuses afin d’obtenir des revenus importants leur permettant d’acheter des armes, et de financer leur combat. Cette logique est au cœur du conflit qui a ravagé l’Angola à partir de 1975. Suite à l’accession à l’indépendance aux dépens du Portugal, le pays tombe aux mains du mouvement marxiste MPLA du président Dos Santos. L’UNITA de Jonas Savimbi débute alors la rébellion et son effort de guerre est largement alimenté par la vente de diamants. Ce conflit a duré 27 ans, faisant plus d’un million de morts. Cette guerre civile aurait eu lieu sans l’existence des diamants, mais elle n’aurait pu se prolonger aussi longtemps sans le trafic des pierres précieuses, qui a assuré d’importantes ressources aux insurgés. Ce schéma s’est répété à de nombreuse reprises en Afrique, même s’il a quelque peu évolué ces derniers temps. Alors qu’auparavant l’argent des diamants servait à financer des rébellions, aujourd’hui des conflits sont motivés par le contrôle des mines et la recherche du profit. Le film Blood Diamond a récemment mis en lumière cette situation au travers du drame vécu par la Sierra Léone entre 1991 et 2002. Durant cette période, le Revolutionary United Front (RUF) de Foday Sankoh s’est assuré le contrôle des aires diamantifères en terrorisant la population. L’armée rebelle pratiquait de nombreuses mutilations et utilisait des milliers d’enfants soldats. L’objectif premier de cette insurrection, qui a fait plus de 100 000 morts, était l’enrichissement des seigneurs de guerre. Celui-ci était assuré grâce à la complicité de la firme De Beers qui était l’acheteur complaisant des diamants du RUF.
Alertée depuis le milieu des années 90 par les ONG sur les « diamants de sang » sierra léonais, la communauté internationale a décidé de réagir au début des années 2000. Le Conseil de sécurité de l’ONU vota le 5 juillet 2000 un embargo sur les diamants de Sierra Leone et du Libéria voisin, car l’ex-président libérien Charles Taylor permettait aux rebelles du RUF d’exporter leurs diamants depuis son pays. Le Libéria exportait ainsi près de 50 fois plus de pierres qu’il n’en produisait. L’ancien dictateur est aujourd’hui jugé par un Tribunal spécial pour la Sierra Leone à La Haye pour son soutien aux insurgés et à leurs pratiques sanglantes. La chute de Charles Taylor et la tenue d’élections libres en Sierra Leone en 2002 laissent espérer une stabilisation de la région meurtrie. Pour remédier à la prolifération de ces diamants de conflits, qui financent de terribles guerres civiles, de nombreux Etats ont signé le processus de Kimberley initié par l’Afrique du Sud. Cet accord entré en vigueur en 2003 a été ratifié par 71 Etats jusqu’à présent. Selon les termes de ce traité international, les diamants bruts ne peuvent être exportés et importés que s’ils sont accompagnés d’un certificat émis par le pays exportateur afin de s’assurer de la traçabilité de chaque pierre. Le Conseil mondial du diamant assure qu’avec ce nouveau système 99% des diamants en circulation sont « propres », contre 95% auparavant. D’autres sources continuent d’affirmer que 5 à 15% des pierres vendues servent à alimenter des guerres civiles, ce qui représente une fourchette de plusieurs centaines de millions à un milliard de dollars. Malgré ces précautions, le trafic de la pierre éternelle existe toujours en Afrique où les frontières sont particulièrement poreuses. De plus, ce secteur fait vivre plusieurs millions de travailleurs et représente donc un pan vital de l’économie africaine.
L’histoire moderne de l’Afrique est indissociable de celle du diamant. Le contrôle des zones diamantifères est au cœur des nombreux conflits qui ont ravagé le continent depuis les vagues d’indépendance. Les actions récentes de la communauté internationale ont eu des effets positifs certains. Néanmoins, il reste encore des efforts à faire pour éradiquer le trafic des diamants africains qui n’a pas complètement disparu.
Quelques chiffres :
· 65% de la production mondiale de diamants provient des pays africains pour une valeur de plus de 8 milliards de dollars par an.
· La Sierra Leone a exporté environ 142 millions de dollars de diamants en 2005.
· Le secteur du diamant emploie 25% des travailleurs au Botswana et représente 33% de son PIB.
· En Namibie, l’industrie d’extraction du diamant est le deuxième employeur derrière l’Etat.
Affiche de la campagne d'Amnesty international contre les diamants de guerre
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