
Depuis l’Antiquité la peine de mort est un sujet sensible qui divise les hommes entre ses partisans et les abolitionnistes. L’objet de ce dossier n’est pas de prendre part au débat mais de présenter les situations très différentes de son application contemporaine autour du monde.
La sentence capitale est une peine appliquée par le pouvoir judiciaire consistant à retirer légalement la vie à une personne ayant été reconnue coupable d’un crime. Cette forme de sanction est très répandue jusque dans les sociétés primitives. Elle connaît une réelle contestation à partir du XVIIIe siècle quand certains philosophes des lumières constituent un mouvement abolitionniste. Le premier souverain à abolir (temporairement) la peine de mort fût le grand-duc de Toscane en 1786. Il était alors conseillé par l’intellectuel Cesare Beccaria, fondateur du droit pénal moderne. Le pays qui a supprimé la sentence capitale le plus tôt est le Venezuela en 1863. Les Philippines sont le dernier pays à avoir aboli la peine de mort le 24 juin 2006.
Aujourd’hui 89 pays ont retiré de leur législation la sentence capitale (en bleu sur la carte en une). Dix pays la prévoient uniquement pour des crimes commis en temps de guerre (vert). Ceux-ci n’ont plus pratiqué d’exécutions depuis très longtemps. Trente Etats disposent de la peine de mort dans leur système juridique, mais sans l’avoir appliquée depuis au moins 10 ans (orange). La plupart de ces pays n’ont pas l’intention d’utiliser cette sanction à nouveau et ont signé des engagements internationaux la proscrivant. Enfin, 68 Etats exécutent régulièrement des condamnés à mort (marron). Parmi eux on compte quatre démocraties : Taiwan, le Japon, l’Inde et les Etats-Unis.
Au cours de l’année 2006, 1591 prisonniers ont été exécutés dans 25 pays, et 3861 personnes ont été condamnées à mort dans 55 Etats. Ces chiffres sont sans doute en deçà de la réalité car les gouvernements ne communiquent pas les statistiques sur les exécutions judiciaires. La Chine est soupçonnée d’exécuter à elle seule plusieurs milliers de condamnés par an selon certaines ONG. En tout, plus de 90% des exécutions en 2006 ont eu lieu dans six pays : Chine (1010), Iran (177), Pakistan (82), Irak (65), Soudan (65), Etats-Unis (53). L’an dernier l’Iran a exécuté quatre mineurs au moment des faits, le Pakistan un. L’Arabie saoudite, la République démocratique du Congo, le Nigeria et le Yémen maintiennent également une législation qui permet de condamner à mort un délinquant dont l’âge est inférieur à 18 ans.
Les crimes pouvant entraîner une condamnation à mort (meurtre excepté)
· Crimes économiques (corruption, évasion fiscale) et piraterie informatique: Chine.
· Adultère, blasphème ou homosexualité: Nigeria, Pakistan, Arabie saoudite et Iran.
· Trafic de stupéfiants : Syrie, Malaisie, Indonésie, Libye, Singapour, Thaïlande, Japon, Viêt-Nam et autres.
· Opposition au socialisme ou collusion avec l’impérialisme : Corée du Nord.
A la fin de l’année 2006 on pouvait estimer qu’environ 20000 prisonniers attendaient dans les couloirs de la mort l’application de leur peine. Les méthodes d’exécution varient grandement selon les pays. Les deux modes les plus utilisés sont la pendaison (Japon) et l’arme à feu (Chine). La plupart des 38 Etats sur 50 des Etats-Unis qui appliquent la peine de mort utilisent l’injection létale ou l’électrocution. Dans les pays où la Charia (loi islamique) est appliquée, des lapidations ou décapitations au sabre sont effectuées (Arabie saoudite, Iran, Pakistan, Nigeria).
Bien que le débat sur la peine de mort soit ancien, les arguments ont peu changé avec le temps. Les partisans de la sentence capitale évoquent souvent son effet dissuasif sur les potentiels délinquants. De plus l’exécution des criminels dangereux garantit qu’ils ne seront jamais en situation de possible récidive. Le coupable de certaines catégories d’offenses, touchant notamment les enfants, aurait perdu son humanité et ne mériterait plus de vivre. Pour les abolitionnistes, l’irrémédiabilité de la peine de mort est particulièrement critiquée. La sentence capitale n’autorise aucune réparation en cas d’erreur judiciaire et elle ne laisse pas la place à la rédemption du condamné. De plus, utiliser la mort pour punir un meurtrier reviendrait à se comporter de façon incompatible avec les valeurs humaines.
Au niveau mondial, 129 pays ont aujourd’hui renoncé à la peine de mort. Même si les exécutions persistent, le mouvement abolitionniste progresse par la signature de traités internationaux interdisant la sentence capitale.
L’évolution de la peine de mort en France
La sentence capitale était largement pratiquée sous l’Ancien Régime, selon différentes modalités en fonction du crime et de la condition du condamné. Le premier débat officiel sur l’abolition date de la Révolution avec un projet soutenu par Robespierre, mais qui sera rejeté par l’Assemblée. Au contraire, le premier Code pénal français promulgué le 6 octobre 1791 intègre le fameux article 3 : « Tout condamné à mort aura la tête tranchée ». Par la suite, Aristide Briand et Jean Jaurès essaieront de faire voter l’abolition au début du XXe siècle, sans succès.
Dans les années 1970, l’affaire Buffet et Bontemps secoue l’opinion publique. Lors d’une prise d’otage, Buffet tue 2 personnes. Robert Badinter, avocat de Bontemps, réussit à prouver que son client n’a pas commis de meurtre. Pourtant les 2 accusés sont condamnés à mort et exécutés. Robert Badinter commence alors son combat en faveur de l’abolition de la peine de mort lors de nombreux procès.
François Mitterrand se déclare contre la sentence capitale durant la campagne présidentielle de 1981. Après son élection, il confie à son nouveau ministre de la justice, Robert Badinter, le soin de porter la loi d’abolition de la peine de mort du 9 octobre 1981. Jacques Chirac a souhaité constitutionnaliser le renoncement à la sentence capitale. Avec la loi de révision du 23 février 2007 un article 66-1 a été inséré dans la Constitution française. Il dispose que « Nul ne peut être condamné à la peine de mort », conclusion d’un débat qui aura duré plus de deux siècles.
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