
Le 1er décembre 2006, Felipe Calderón (Parti action nationale - PAN) succédait officiellement à Vicente Fox à la présidence du Mexique. La passation de pouvoir s’est faite en quelques minutes, sous les sifflets des députés de l’opposition, et malgré les barricades montées par les partisans de Manuel Andres Lopez Obrador (Parti de la révolution démocratique - PRD), le candidat malheureux.
Il est nécessaire de remonter un peu dans l’histoire politique du Mexique pour mieux appréhender les évènements actuels.
Le Mexique est un pays qui a connu de nombreuses luttes politiques et soulèvements populaires, à commencer par ceux pour l’indépendance du pays au début du XIXe siècle, ou encore ceux qui ont mené à la Révolution mexicaine en 1910. De ces luttes est né le Parti révolutionnaire institutionnel (PRI) qui a gouverné le pays pendant plus de 70 ans. Ce parti a déçu les espoirs de la Révolution, notamment par la corruption généralisée en son sein, et la répression qu’il a exercée sur le peuple.
Dans les années 1980, le parti s’engage dans la voie néolibérale, imposée par les plans d’ajustements structurels du Fonds Monétaire International et de la Banque Mondiale, ce qui entraîne une augmentation de la pauvreté et une dégradation du niveau de vie. Plus que jamais le pays est divisé en deux, entre le Nord industrialisé proche des Etats-Unis et le Sud rural, peuplé de populations indigènes de plus en plus pauvres. Le 1er janvier 1994, l’Accord de libre-échange Nord-américain (Alena) entre en vigueur. Le jour même a lieu au Chiapas, un Etat du Sud, le soulèvement de l’armée zapatiste de libération nationale (EZLN), dirigée par le sous-commandant Marcos. L’EZLN veut une reconnaissance des indigènes qui vivent au Sud du Mexique et dénonce leurs conditions de vie indécentes.
En 2000 ont lieu des élections présidentielles, qui sont censées être celles du changement. Pour la première fois depuis plus de 70 ans ce n’est pas un candidat du PRI qui est élu. Vicente Fox, candidat du PAN, et ancien gérant de Coca-Cola, devient Président de la République. Celui-ci procède à un approfondissement de la politique néolibérale. De plus, son mandat est marqué par des violations massives des droits humains. Le bilan de sa présidence se solde par une dégradation des conditions de vie d’une grande partie de la population.
Le 2 juillet 2006 se sont tenues les dernières élections présidentielles. Le candidat soutenu par Vicente Fox est Felipe Calderón. Son concurrent, qui bénéficie d’un large soutien populaire est Lopez Obrador, candidat du PRD, qui dit vouloir lutter contre la pauvreté. Les résultats donnent Calderón vainqueur par 35,89% des voix, contre 35,31% pour Obrador. Les partisans de ce dernier crient à la fraude. Naît alors un mouvement de résistance civile pacifique, qui nomme Obrador « Président légitime » le 16 septembre 2006. Il prend symboliquement ses fonctions le 20 novembre, jour anniversaire de la révolution mexicaine, devant plus d’un million de personnes rassemblées sur la place centrale de la ville de Mexico.
Le jour de la passation de pouvoir officielle entre Vicente Fox et Felipe Calderón,
le 1er décembre 2006, des centaines de milliers de manifestants sont rassemblés pour protester contre le nouveau chef d’Etat. La télévision de la présidence monopolise la retransmission et ne laisse filtrer aucune image des manifestants. Un plan serré montre Felipe Calderón prêtant serment, la cérémonie est expédiée en quelques minutes. Les journalistes diront que « l’intronisation de Calderón s’est effectuée dans le calme ».
Ceci est symbolique de la façon dont le gouvernement essaie d’ignorer la résistance qui s’organise au Mexique. En effet, parallèlement à ce mouvement de résistance électorale, les manifestations de mécontentement social se multiplient dans le pays. Avant les élections, l’EZLN avait organisé « l’Autre campagne », afin de rassembler le peuple mexicain autour de ses idées. Dans l’Etat de Oaxaca, l’Assemblée populaire des peuples de Oaxaca (APPO) a pris le contrôle des institutions locales pour protester contre les actes du gouverneur.
Le Mexique bouillonne, et à l’exemple de la province de Oaxaca, le peuple ne se laisse pas impressionner par la répression gouvernementale. Au contraire, il poursuit sa lutte pour ses droits et pour une amélioration de sa condition. On peut se demander dans quelle mesure Felipe Calderón va pouvoir gouverner ce pays en continuant à ignorer les revendications du peuple mexicain, notamment celles de la population indigène du sud du pays qui voudrait enfin être reconnue.
Marcos, l’insurgé du ChiapasLe sous-commandant Marcos est le principal dirigeant de l’armée zapatiste de libération nationale (EZLN). Surnommé « El Sub », c’est un personnage énigmatique qui cache son visage et son véritable nom. La guérilla zapatiste est formée majoritairement d’indiens mayas, qui revendiquent le droit de propriété sur la terre de leurs ancêtres. L’objectif n’est pas de renverser le pouvoir par les armes mais d’apporter « une alternative au modèle libéral qui nous tue », et de permettre l’instauration d’un gouvernement libre et démocratique pour le pays. La réalisation majeure des zapatistes est la gestion autonome de fait de leurs territoires. En 2001, Marcos et 23 autres dirigeants de l’EZLN organisent une marche sur Mexico, afin de demander la reconnaissance des peuples indigènes en tant que sujets collectifs de droits. En 2006, l’EZLN a lancé « l’Autre campagne » pour l’élection présidentielle, ayant pour objectif de rassembler les mouvements de résistance à travers le Mexique.
La révolte de OaxacaLe 22 mai 2006, une grève des maitres d'écoles réunit 70 000 personnes pour exiger un réajustement des salaires. Venus de toute la région, ils organisent un campement autour du palais du gouvernement, afin de faire entendre leurs revendications. Le 14 juin à l'aube, 2000 policiers envoyés par le gouverneur les délogent manu militari. On dénombre une soixantaine de blessés. Cette répression violente entraîne un soulèvement social, qui exige désormais la démission du gouverneur. Celui-ci est soutenu par le gouvernement central qui a besoin de son alliance politique afin de gagner les élections présidentielles de juillet. La population constitue alors une Assemblée populaire des peuples de Oaxaca (APPO). Elle tient la ville, occupe les institutions, prend le contrôle des médias. Très vite le gouverneur tente de reprendre le contrôle : il lance les « escadrons de la mort », commandos armés en 4x4 qui mènent des actions violentes. Le 25 novembre 2006, près de 200 personnes sont arrêtées. On dénombre 17 morts imputables aux autorités depuis le début du conflit. Malgré l’arrestation et l’assassinat de certains meneurs, le mouvement se maintient et la résistance s’organise dans les campagnes.
Retour à la page d'accueil